Pour subsister au Nord de l’Afrique, ce parent de la
Piéride du Navet de la froide Europe, adepte des lieux frais et humides, a dû s’adapter aux plus hautes vallées des montagnes de l’Atlas où il vole en mai-juin, jusqu'à plus de 3500 m d'altitude.
La forme nominative P. segonzaci segonzaci, grande, aux ailes effilées, est surtout connue du Massif du Toubkal, mais a pu être contactée ailleurs,
çà et là dans la cordillère du Haut Atlas. De taille moindre et de forme générale plus arrondie, la ssp.
jadidi vole sur certains revers méridionaux du même Grand Atlas, ainsi que dans le Djebel Siroua, massif volcanique surplombant
le Grand Sud. La larve se développe notamment sur l’Alysson épineux (Alyssum
spinosum), une Brassicacée spécialisée et très commune dans la xérophytaie atlasique. Les imagos butinent toutes sortes de plantes fleuries des prairies, des chemins et des rives des
petits torrents. Sur les pentes, ils fréquentent les inflorescences de certains coussinets épineux dont leur plante-hôte ; dans les éboulis, ils affectionnent entre autres la Catananche bleue.
Les mâles se rassemblent en congrès autour des flaques d’eau, sur les petites plages des ruisseaux ou près des émergences des sources, où ils puisent les sels minéraux. Cette relicte boréo-alpine
est liée aux zones lacustres des hautes montagnes calcaires ou gréseuses, prairies détrempées, berges des rus et des asifs, mais fréquente aussi les grands ravins glaciaires et l’horizon
supérieur steppique des pentes recouvertes de xérophytes épineux en coussinets, appartenant à plusieurs familles, association nommée « pelouse écorchée ». Le vol de la Piéride de Segonzac est
saccadé, désordonné et « étourdi » lors de la dispersion grégaire très dynamique qui succède aux éclosions. Le Papillon se laisse porter par les courants éoliens, et les jours de grands vents il
peut être projeté très loin des xérophytaies en ravins et en talwegs qui constituent sa niche de naissance. (Photos de la ssp. jadidi : Djebel Siroua,
Anti-Atlas nord-oriental, juin 2000 et 2005 ; sauf le dernier mâle et l’accouplement de la ssp. segonzaci : Djebel Angour, Haut
Atlas central, juin 2005).
Nombre de
stations au Maroc (2015) pour segonzaci segonzaci : moins de 10 ; en danger. Demande une urgente
protection contre le saccage des prairies mouillées et des pozzines. Ce Papillon souffre aussi de la précocité chaque fois accrue des transhumances qui autrefois n'investissaient les pâtures
d'altitude qu'en juillet, voire en août, une fois les cycles accomplis (agdal). C'est maintenant dès mai ou juin que les troupeaux montent, quand ils ne restent pas en montagne à
l'année.
Nombre de
stations au Maroc (2015) pour segonzaci jadidi : porté disparu depuis que ses habitats (Djebel Ayachi,
région d'Imilchil, Djebel Siroua) sont pâturés dès le mois de mai.